Le premier vrai papier du Tour pour le Parisien
Et si Bardet gagnait ?
L'un avait l'oeil noir, le verbe sec et le caractère bien trempé quand l'autre n'élève jamais le ton et promène une discrétion tenace. Et pourtant, Bernard Hinault, quintuple vainqueur de la grande Boucle, va peut-être enfin trouver son successeur avec Romain Bardet. Deuxième de l'édition 2016, l'Auvergnat veut devenir, trente-sept ans après Hinault, le premier Français à se vêtir de jaune sur les Champs-Elysées. Il veut mais n'en rêve pas. Car un rêve ne se maîtrise pas. Il préfère raisonner et suivre une préparation quasi-scientifique où tout est soigneusement pesé.
Maniaque du détail, Bardet a pensé sa préparation d'avant-Tour avec une seule obsession : être plus fort que l'année passée. Il sait exactement l'état de forme qu'il veut atteindre. En privé, il se dit optimiste et largement dans les temps de sa feuille de route. Devant sa roue pourtant, deux obstacles imprévues et une inconnue se sont dressés.
Le premier obstacle, c'est son exclusion de Paris-Nice en début de saison pour s'être accroché à sa voiture. Ce qui a parasité sa préparation. Le second bemol, c'est la chute, lors du stage en altitude en Sierra Nevada, de son coéquipier et ami Mickaël Cherel, contraint au forfait sur ce Tour. Cherel, c'est le poisson pilote de Bardet. L'homme qui l'a convaincu, en 2016, deux jours avant la fin du Tour, de se lancer dans une folle descente sous la pluie dans la côte de Domancy. Une folie quiallait lui offrirt la victoire d'étape à Saint-Gervais et la place de dauphin de Christopher Froome. L'absence de Cherel, au moment où le coureur d'AG2R aura peut-être besoin de soutien psychologique, peut s'avérer problématique.
Quant à l'inconnue planant sur Bardet, c'est évidemment sa faiblesse récurente dans les contre-la-montre. Entre le prologue et l'avant-dernière étape à Marseille, il y aura 36,5 kilomètres chronométrés. Cet hiver, il s'est astreint à une préparation spécifique. Mais le récent Critérium du Dauphiné a démontré qu'il restait très friable dans cet exercice. S'il arrive enfin à limiter les dégâts contre-la-montre, Bardet n'aura cette fois aucune raison de ne pas croire en son destin. Et ses partisans pourront rêver à sa place.